Limiter les tomodensitometries inutiles pour une commotion cerebrale pediatrique

Question clinique

Quand faut-il prescrire une tomodensitométrie (TDM) pour évaluer une commotion cérébrale chez un patient pédiatrique?

Résultats

Les commotions cérébrales sont des blessures fréquentes, surtout chez les enfants et les jeunes. Une TDM est souvent prescrite dans de telles situations, en dépit du faible risque de pathologie intracrânienne cliniquement significative dans ce contexte. Par ailleurs, les TDM sont coûteuses et exposent les patients à un rayonnement ionisant, ce qui augmente le risque de cancer. Diverses règles s’appliquant aux traumatismes crâniens ont été élaborées pour aider les cliniciens à décider si une TDM est nécessaire dans la prise en charge du patient. Les cliniciens sont encouragés à suivre ces règles pour les traumatismes crâniens mineurs et les commotions cérébrales dans le but de réduire le nombre de TDM inutiles effectuées et d’optimiser les soins aux patients.

L’Académie canadienne de la médecine du sport et de l’exercice a dressé une liste de recommandations pour Choisir avec soin Canada, qui s’appliquent à la médecine du sport et de l’exercice pédiatriques, dont la suivante : Ne demandez pas de tomodensitométrie pour les blessures mineures à la tête ou les commotions cérébrales (Encadré 1)1.

Encadré 1. Huit examens ou traitements à mettre en cause en médecine du sport et de l’exercice pédiatriques

Ne demandez pas de radiographies du genou pour diagnostiquer la maladie d’Osgood-Schlatter chez l’enfant

Ne demandez pas une échographie comme première analyse des blessures à l’épaule ou au genou chez l’enfant

Ne demandez pas une série complète de radiographies pour déterminer la présence d’une scoliose en cas de douleur dorsale

Ne demandez pas de radiographies du rachis thoracique si des signes cliniques évoquent la présence d’une scoliose

Ne demandez pas de clichés radiographiques en oblique pour déterminer la présence d’une spondylolyse

Ne demandez pas de tomodensitométrie pour les blessures mineures à la tête ou les commotions cérébrales

N’immobilisez pas une articulation en cas de syndrome d’amplification de la douleur (syndrome complexe de la douleur locale) présumé

Ne demandez pas de radiographies de suivi pour les fractures en motte de beurre du radius distal en l’absence de symptômes cliniques au moment du suivi

Reproduit avec la permission de Choisir avec soin Canada1.

Données probantes

Il se produit au Canada environ 200 000 commotions cérébrales par année2,3. Il s’agit probablement d’une sous-estimation, parce que de nombreux patients sont vus dans le bureau d’un médecin ou dans une clinique sans rendez-vous, ou encore ne consultent pas du tout, et ces cas ne sont pas captés par des mécanismes de surveillance des blessures. La plupart des commotions cérébrales sont liées aux sports, et deux tiers de ces blessures se produisent dans la population pédiatrique (Figure 1)2,3. Le football, le hockey sur glace et la ringuette sont les sports qui causent le plus grand nombre de commotions cérébrales dans le groupe des 5 à 19 ans, et ces commotions représentent de 27 à 44 % de toutes les blessures subies en s’adonnant à ces sports3,4.

Figure 1.Figure 1.Figure 1.

Taux des visites au DU pour des lésions cérébrales et des traumatismes crâniens liés aux sports et aux loisirs en Ontario (2002-2003 à 2010-2011) et en Alberta (2010-2011 à 2017-2018) selon le sexe, et taux selon l’âge par 100 000 personnes

Le recours à la TDM pour des traumatismes crâniens mineurs a historiquement été élevé en dépit des initiatives éducatives visant à en réduire la surutilisation. Dans les départements d’urgence (DU) pédiatriques canadiens, l’utilisation de la TDM pour les traumatismes crâniens mineurs est passée de 15 % en 1995 à 52 % en 20055,6. Une autre étude dans les DU pédiatriques aux États-Unis a démontré que le taux d’utilisation des TDM pour les traumatismes crâniens mineurs est demeuré constant à 32 % entre 2007 et 2015, malgré les efforts d’information visant à diminuer leur utilisation inutile7. Pourquoi? Les facteurs identifiés sont, entre autres, l’établissement d’un lien de confiance, l’anxiété de la part du patient et du médecin, de même que les attentes du patient8.

Le recours inutile à la TDM pour les traumatismes crâniens mineurs et les commotions cérébrales contribue considérablement aux coûts en soins de santé, parce que les TDM sont des tests coûteux, chacune s’élevant à plusieurs centaines de dollars9,10. Il peut aussi accentuer le problème de l’encombrement des DU, et se traduire par des transferts longs et coûteux à partir des centres qui ne sont pas dotés de la TDM10. Chez les patients pédiatriques, il peut s’ajouter le risque de devoir recourir à la sédation pour obtenir les images7. Toutefois, l’un des plus grands risques d’une TDM inutile est l’exposition au rayonnement ionisant9,11,12.

Même si l’exposition au rayonnement est une inquiétude tant chez les adultes que les enfants, cette préoccupation est plus grande chez ces derniers, parce qu’ils sont plus sensibles aux effets du rayonnement ionisant; les enfants ont une plus longue espérance de vie et, par conséquent, ils ont plus de temps pour que les effets du rayonnement ionisant s’expriment; et les enfants peuvent recevoir des doses proportionnellement plus fortes, surtout dans les centres non spécialisés en pédiatrie11,12. Des études ont démontré que l’exposition à la TDM durant l’enfance peut tripler le risque de leucémie et de cancer du cerveau chez les enfants, à raison de 1 cas de cancer pour chaque tranche de 10 000 TDM11,12. Les doses cumulatives de rayonnement ionisant provenant de TDM répétées peuvent aussi augmenter le risque de cancer plus tard dans la vie11,12.

Approche

Une commotion cérébrale est une lésion cérébrale traumatique (LCT) causée par un impact ou un coup à la tête, au visage ou au cou, ou encore par un impact sur une autre partie du corps qui transmet une force impulsive au cerveau et provoque l’apparition rapide d’une altération de la fonction neurologique de courte durée qui se résorbe spontanément13. Les signes et les symptômes d’une commotion cérébrale reflètent une lésion fonctionnelle plutôt que structurelle et, par conséquent, aucune anomalie n’est observée avec la neuro-imagerie standard13. En tant que telle, la neuro-imagerie n’est pas indiquée dans un contexte de commotion cérébrale en l’absence de signaux d’alarme, comme une réduction du degré de conscience, des signes neurologiques focaux, des signes de fracture du crâne, des convulsions ou des vomissements persistants13,14. Le risque d’une pathologie intracrânienne cliniquement significative est de moins de 1 %15.

Pour réduire le nombre de TDM inutiles effectués pour des traumatismes crâniens mineurs, un certain nombre de règles pour la décision clinique ont été élaborées pour aider à guider les cliniciens lorsqu’ils envisagent de prescrire une TDM. Des lignes directrices distinctes ont été produites pour les adultes et les enfants, qui utilisent diverses combinaisons de caractéristiques à l’anamnèse, une présentation de signes et de symptômes ou de simples tests pour déterminer le risque d’une lésion cérébrale. Les règles conçues pour l’imagerie de la tête chez les enfants incluent la règle CATCH (Canadian Assessment of Tomography for Childhood Head injury) (Canada), la règle PECARN (Pediatric Emergency Care Applied Research Network) (États-Unis) et la règle CHALICE (Children’s Head Injury Algorithm for the Prediction of Important Clinical Events) (Royaume-Uni)6,15-18. Ces lignes directrices ont été validées dans le groupe d’âge pédiatrique, mais, à la suite d’une comparaison directe, la règle CATCH avait la plus grande sensibilité et la plus grande spécificité (Encadré 2)16,18. En mettant ces règles en application, en particulier pour les enfants au DU, il est moins probable que les patients soient inutilement exposés au rayonnement produit par la TDM.

Encadré 2. Règle CATCH (Évaluation canadienne de la tomographie pour des traumatismes crâniens chez l’enfant)

Une TDM est nécessaire chez les enfants souffrant d’une lésion cérébrale mineure* en présence de 1 des constatations suivantes :

Risque élevé d’une intervention neurochirurgicale

Score de Glasgow <15, 2 heures après le traumatisme

Présomption de fracture crânienne ouverte ou enfoncée

Antécédents d’accentuation des céphalées

Irritabilité à l’examen

Risque moyen si lésion cérébrale selon la TDM

Signe de fracture à la base du crâne†

Gros hématome œdémateux sur le cuir chevelu

Mécanisme de blessure dangereux‡

TDM—tomodensitométrie.

*La lésion cérébrale mineure se définit comme une blessure subie dans les 24 heures précédentes, associée à une perte de connaissance dont quelqu’un a été témoin, à une amnésie définie, à une désorientation dont quelqu’un a été témoin, à des vomissements persistants (>1 épisode) ou à une irritabilité persistante (chez un enfant de <2 ans) chez un patient dont le résultat à l’échelle de Glasgow se situe entre 13 et 15.

†Les signes d’une fracture à la base du crâne incluent l’hémotympan, les yeux au beurre noir, l’otorrhée ou la rhinorrhée de liquide céphalorachidien, le signe de Battlel.

‡Un mécanisme de blessure dangereux est une collision de véhicule automobile, ou une chute d’une hauteur ≥ 3 pieds (≥ 91 cm), de 5 marches ou d’un vélo sans casque.

Reproduit avec la permission de CMAJ.16

Mise en application

Les patients qui présentent les signes d’une potentielle commotion cérébrale devraient être rigoureusement évalués au moyen d’une anamnèse approfondie, à l’affût notamment du moment et du mécanisme de la blessure, de même que de la survenue d’une perte de conscience, de convulsions, d’une amnésie ou de vomissements. L’examen physique doit comprendre un examen neurologique approfondi, y compris la détermination du degré de conscience à l’aide de l’échelle de Glasgow et une évaluation cognitive13,14.

Les patients asymptomatiques ou minimalement symptomatiques ayant une commotion cérébrale peuvent recevoir leur congé et retourner à la maison sans imagerie, sous les soins d’un adulte responsable qui a reçu par écrit des directives claires décrivant les éléments à surveiller (comme l’accentuation des céphalées, des vomissements persistants ou une baisse du degré de conscience) et la date du retour pour un suivi19. Les patients plus symptomatiques qui ne satisfont pas aux critères justifiant une imagerie peuvent être surveillés au DU pendant 4 à 6 heures19. Si les symptômes ne s’améliorent pas durant l’observation, les patients peuvent être admis à l’hôpital pour une surveillance prolongée, ou une TDM peut être prescrite si les signes et les symptômes du patient portent à croire à une potentielle lésion structurelle (aggravation des céphalées, vomissements persistants, baisse du degré de conscience ou signes neurologiques focaux)7,16,19.

L’utilisation des règles cliniques sur les traumatismes crâniens peut aider les cliniciens à prescrire des TDM de manière appropriée dans de tels contextes et à réduire le nombre de TDM inutiles dans le groupe d’âge pédiatrique.

Notes

Choisir avec soin Canada est une campagne visant à aider les cliniciens et les patients à entamer un dialogue au sujet des examens, des traitements et des interventions inutiles, et à prendre des décisions judicieuses et efficaces pour assurer des soins de grande qualité. Jusqu’à présent, on compte 13 recommandations portant sur la médecine familiale, mais de nombreuses recommandations concernant d’autres spécialités s’appliquent à la médecine familiale. Les articles produits par Choisir avec soin Canada publiés dans Le Médecin de famille canadien portent sur des sujets pertinents à la médecine familiale et dans lesquels des outils et des stratégies ont été utilisés pour mettre en œuvre une des recommandations et amorcer une prise de décision partagée avec les patients. Si vous êtes un professionnel ou un stagiaire en soins primaires et que vous avez suivi des recommandations ou utilisé des outils de Choisir avec soin dans votre pratique et que vous aimeriez partager votre expérience, veuillez communiquer avec nous à infochoosingwiselycanada.org.

Footnotes

Intérêts concurrents

Aucun déclaré

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