La responsabilite environnementale : son importance dans les strategies de responsabilite sociale: Sommaires narratifs des donnees probantes produits par lequipe du projet SAFE pour les etablissements de sante

Le projet SAFE (Responsabilité sociale comme référentiel pour la mobilisation) pour les établissements de santé (https://safeforhealthinstitutions.org) a pour objectif de mettre au point une trousse à outils pouvant accélérer l’adoption de stratégies de responsabilisation sociale dans les soins de santé. La trousse comporte un outil d’évaluation de la responsabilité sociale en fonction d’un référentiel de 253 normes institutionnelles globales descendantes et de sommaires narratifs des données probantes qui identifient des moyens pratiques de mettre en œuvre les connaissances liées à ces normes1. La responsabilité sociale se rapporte à l’obligation d’être imputable envers la société pour sa santé et, sans surprise, la responsabilité environnementale a été mentionnée par Xie et ses collègues2 ainsi que d’autres comme étant un facteur important dans les stratégies de responsabilité sociale3-5. La responsabilité environnementale est aussi fréquemment mentionnée dans l’outil d’évaluation du projet SAFE pour les établissements de santé et a été désignée comme un thème clé pour un rapide sommaire narratif des données probantes (Appendice A, accessible en anglais dans CFPlus*).

L’inclusion de la responsabilité environnementale dans les stratégies de responsabilité sociale reflète l’impact mondial de la dégradation environnementale sur tous les patients et les collectivités, de même que la reconnaissance des déterminants environnementaux de la santé, du droit à la justice environnementale et du changement climatique comme vecteur d’iniquité6-9. Il est essentiel pour les médecins actuels et les aspirants médecins de savoir comment dispenser des soins de santé en causant le moins de préjudices possible à l’environnement et de connaître leurs obligations envers la santé des communautés qu’ils servent3,4,8.

Il s’agit du troisième article publié dans Le Médecin de famille canadien à se fonder sur les sommaires narratifs des données probantes du projet SAFE pour les établissements de santé qui traitent des principaux sujets sur la responsabilité sociale à tous les niveaux des soins, soit micro (interactions patient-professionnel), méso (environnements des soins de santé et communautaires) et macro (contextes politiques et stratégiques), adaptés à la médecine familiale10,11.

Mise en contexte

Même si un principe central de la médecine est de ne pas faire de tort, il est ironique que les soins de santé, comme industrie, nuisent à l’environnement de plusieurs façons8,12,13. Le secteur de la santé au Canada est responsable de 4,6 % des émissions nettes de gaz à effet de serre12. En comparaison avec d’autres industries, il s’agit d’une empreinte environnementale considérable2,8,12. L’empreinte carbone des soins de santé est produite par les besoins énergétiques pour la prestation continue des soins, par la prestation elle-même des soins, et par la fabrication, le transport et l’élimination des produits de santé12,14,15. Cette industrie s’efforce d’adopter des principes d’économie circulaire avec peu ou sans gaspillage, mais fonctionne surtout dans une culture de forte consommation et de gaspillage élevé7,16-18. Les déchets médicaux, comme les déchets pharmaceutiques et biologiques, soulèvent des préoccupations additionnelles relativement à la contamination de l’eau, du sol et de l’air14,19. L’absence d’un plaidoyer uniforme, authentique et unifié en faveur de la justice environnementale de la part des établissements de santé entrave encore davantage la constatation de l’étendue globale des préjudices environnementaux. Les médecins de famille représentent environ la moitié des effectifs médicaux; ils ont donc un rôle important à jouer pour améliorer les pratiques environnementalement durables dans les soins de santé20.

Conséquences pour la santé de la dégradation environnementale aux niveaux micro, méso et macro

Un examen des effets sur la santé de la dégradation environnementale aux niveaux micro, méso et macro nous aide à comprendre les raisons pour lesquelles la responsabilité environnementale devrait être considérée comme prioritaire dans les stratégies de responsabilité sociale. La dégradation environnementale engendrée par le réchauffement des températures, la pollution de l’air et l’empoisonnement environnemental influence la morbidité et la mortalité au niveau micro (patient). Par exemple, 619 personnes ont perdu la vie en raison de malaises liés à la chaleur durant un dôme de chaleur d’une semaine en Colombie-Britannique (C.-B.) en 2021 alors que la température avait atteint 49,6°C (à Lytton, C.-B.)21,22. La pollution de l’air est considérée comme l’une des principales causes de cancer, de maladies respiratoires, de maladies cardiovasculaires, et la morbidité et la mortalité relatives à l’environnement sont associées à 15 300 décès prématurés par année au Canada23,24. L’empoisonnement environnemental est un autre exemple catastrophique de l’impact sur la santé sur le plan micro, comme l’a vécu la population de la Première Nation des Asubpeeschoseewagong dans le Nord ontarien (aussi connue sous le nom de Première Nation de Grassy Narrows), où le déversement de mercure dans le réseau hydrographique de la rivière English–Wabigoon a causé de la toxicité25,26, une mortalité prématurée27 et des anomalies congénitales25.

La dégradation environnementale nuit aussi à la santé de communautés entières au niveau méso. La contamination par le mercure des sources d’eau potable et de nourriture de la Première Nation des Asubpeeschoseewagong a attenté à des dimensions vitales de la santé et du bien-être d’une communauté autochtone tout entière21,25-28. Les événements météorologiques extrêmes ont aussi eu des répercussions au niveau méso en menaçant des systèmes de santé locaux fragiles et en détruisant l’infrastructure de la santé publique6,8. Une telle situation a été vécue en 2021, au plus fort du dôme de chaleur en C.-B., durant lequel la quantité d’appels au 911 a doublé, rallongeant le temps de réponse aux appels et réduisant ainsi la disponibilité des services médicaux d’urgence21.

Au niveau macro, les politiques, le droit et les lois ouvrent la porte à une dégradation environnementale à grande échelle6,14. L’environnement physique à lui seul est un déterminant social de la santé9, mais la dégradation de l’environnement affecte aussi d’autres déterminants. La sécurité alimentaire peut être menacée par la perte de terres agricoles en raison du changement climatique6,8. Le racisme environnemental est aussi maintenu au niveau macro, comme dans le cas de la Première Nation des Asubpeeschoseewagong, lorsque, dans le passé, les responsables gouvernementaux minimisaient les effets de la toxicité du mercure en dépit des preuves du contraire25. Dans leur ensemble, les conséquences sanitaires de la dégradation environnementale alimentent l’iniquité et nuit injustement aux peuples autochtones, aux adultes plus âgés, aux personnes racialement marginalisées, aux enfants, aux malades chroniques et aux personnes qui vivent dans des logements inadéquats (Encadré 1)6,7,21.

Encadré 1. Résumé des points saillants

L’importance de la responsabilité environnementale dans les stratégies de responsabilité sociale est mise en évidence par la nécessité d’une justice environnementale, la reconnaissance des déterminants environnementaux de la santé, et la reconnaissance de l’iniquité engendrée par le changement climatique et de la façon dont la dégradation environnementale affecte les patients et les communautés à l’échelle mondiale

À l’heure actuelle, la prestation des soins de santé cause des préjudices à l’environnement de plusieurs façons et, par conséquent, nuit aux patients et aux communautés que servent les médecins de famille

La dégradation environnementale augmente la morbidité et la mortalité chez les patients, exerce une pression accrue sur les systèmes locaux de santé et cause leur effondrement, et a des impacts généralisés sur les déterminants sociaux de la santé

La responsabilité environnementale désigne l’obligation des professionnels d’anticiper les effets de leurs activités sur l’environnement, tout en accordant la priorité aux solutions protectrices de l’environnement qui réduisent les émissions, la consommation et les déchets médicaux, et qui favorisent les principes de l’économie circulaire engendrant peu ou pas de gaspillage

Les médecins de famille peuvent opter pour une voie vers la responsabilité environnementale en agissant aux niveaux micro (interactions patient-médecin), méso (système de santé et environnements communautaires) et macro (contextes politiques et stratégiques) des soins, selon une approche ascendante ou descendante, et peuvent contribuer activement à une planète en meilleure santé pour tous

Une voie vers la responsabilité environnementale

Bien que les médecins de famille et le secteur de la santé ne soient pas les seuls responsables des impacts sur la santé de la dégradation environnementale aux niveaux micro, méso et macro, ils peuvent jouer un rôle significatif dans l’atténuation des préjudices à l’environnement causés par les soins de santé. En favorisant la santé environnementale communautaire et une économie écologique, les médecins de famille peuvent avoir un certain nombre d’effets positifs qui se traduiront aussi en une plus grande justice sur le plan de la santé pour ceux qui sont disproportionnellement affectés par les conséquences de la dégradation environnementale8.

En médecine familiale, la responsabilité environnementale peut être définie comme étant l’obligation de la part de tous les médecins d’anticiper l’impact qu’ont leurs activités sur l’environnement, tout en priorisant des solutions durables et protectrices de l’environnement2,4. Quelques exemples pratiques de façons d’améliorer la responsabilité environnementale en soins primaires sont présentés dans cet article, mais de nombreux autres se trouvent dans des documents de la Coalition canadienne pour un système de santé écologique (https://greenhealthcare.ca), l’Association canadienne des médecins pour l’environnement (https://cape.ca/fr/) et de CASCADES (Creating a Sustainable Canadian Health System in a Climate Crisis) (https://cascadescanada.ca/fr/domaines-daction/soins-primaires-et-communautaires/).

On peut aborder une voie vers la responsabilité environnementale en soins primaires (Figure 1) de manière ascendante ou descendante, et répartir les actions aux niveaux micro, méso et macro des soins dans les milieux où les médecins de famille peuvent avoir une influence et des impacts directs15. Une approche ascendante commence au niveau micro et vise à évaluer les activités médicales, les habitudes de pratique et les produits entourant les interactions médecin-patient, et à connecter ces activités sur le plan méso des politiques, des processus et des réformes structurelles qui ciblent les préjudices environnementaux15. Une approche descendante débute au niveau macro et tient compte des contextes politiques et stratégiques qui influent sur la justice environnementale et les déterminants environnementaux de la santé. Une approche descendante inclut aussi un aperçu de l’ensemble d’une pratique familiale ou d’une équipe de soins interdisciplinaires dont font partie des médecins de famille, et ce, dans le but de cerner des objectifs « névralgiques » à cibler dans les politiques, les processus et les réformes structurelles qui touchent les soins de santé environnementalement durables sur le plan micro15. Les 2 approches identifient des changements qui peuvent réduire les émissions, la consommation et les déchets médicaux, et promouvoir les principes de l’économie circulaire sans ou à faible gaspillage15,17,19; elles exigent aussi des objectifs mesurables et une surveillance continue8,16,29, et cherchent à agir sur les vecteurs sur le plan macro dans les contextes politiques et stratégiques15.

Figure 1.Figure 1.Figure 1.

La voie vers la responsabilité environnementale pour les stratégies de responsabilité sociale : Tes exemples fournis comptent parmi de nombreuses autres mesures que peuvent prendre les médecins de famille dans leur cheminement vers la responsabilité environnementale dans le contexte d’une stratégie de responsabilité sociale. Pour plus de renseignements, veuillez consulter l’Association canadienne des médecins pour l’environnement (https://cape.ca/fr/), la Coalition canadienne pour un système de santé écologique (https://greenhealthcare.ca), de même que les documents sur les soins primaires et communautaires durables de CASCADES (https://cascadescanada.ca/fr/domaines-daction/soins-primaires-et-communautaires/).

Au niveau micro, les médecins de famille doivent comprendre la relation entre l’environnement, la santé et le secteur de la santé4,29. Grâce à ces connaissances, les médecins de famille peuvent prendre un certain nombre de mesures dans leurs interactions avec les patients pour améliorer les pratiques environnementalement durables dans les soins de santé. Choisir les traitements avec soin30, réduire les examens inutiles et consommer moins de ressources en santé peuvent avoir un impact global15,19. La déprescription, la réduction de la polypharmacie et le changement des aérosols doseurs par des inhalateurs à poudre sèche ciblent l’industrie pharmaceutique à laquelle sont attribuables jusqu’à 25 % des émissions produites par les soins de santé31,32. Les soins virtuels peuvent réduire la nécessité des déplacements et des émissions connexes33. La promotion de modes de vie sains et écologiques auprès des patients et les efforts en matière de prévention, comme l’adoption d’une alimentation riche en végétaux, sont une stratégie susceptible de réduire indirectement les émissions de la production animale et d’avoir d’autres bienfaits pour la santé19. Les médecins de famille peuvent choisir des produits pour leurs lieux de travail qui se conforment à l’économie circulaire sans ou à faible gaspillage16-18. Les médecins de famille peuvent aussi prêcher par l’exemple et adopter des modes de vie environnementalement durables, comme la diminution des besoins de déplacements34.

L’action, sur le plan méso, doit soutenir une médecine environnementalement responsable et durable au niveau micro7,8. Un groupe de travail sur la responsabilisation environnementale, dont les membres incluent des leaders et des médecins de première ligne, peut diriger la réforme de politiques, de processus et de structures pour des cliniques entières et des équipes de soins interdisciplinaires7,8. Des projets d’amélioration de la qualité ciblant des interventions médicales, comme la déprescription ou l’identification des patients chez qui changer les aérosols doseurs par des inhalateurs à poudre sèche dans l’ensemble de la population d’une clinique, sont des méthodes qui génèrent des changements à des niveaux plus élevés30,32. Les réunions et les séances de formation virtuelles réduisent les émissions en éliminant les déplacements35. On peut encourager une économie circulaire sans ou avec peu de gaspillage15,18 dans l’ensemble d’une clinique en demandant aux distributeurs d’offrir des fournitures sans ou avec moins d’emballage; en remplaçant des produits médicaux jetables par d’autres qui sont stérilisables et réutilisables18; et en choisissant de l’équipement de protection individuelle réutilisable36. Le Conseil du bâtiment durable du Canada (https://www.cagbc.org/fr/) peut aussi aider à orienter « l’écologisation » des installations de soins primaires, qui peuvent être responsables de 10 à 30 % des émissions des soins primaires15,37,38.

Au niveau macro, par leurs plaidoyers, les médecins de famille peuvent mettre à contribution leurs pouvoirs, leurs privilèges et la plateforme sociale qui leur est offerte dans leurs divers rôles et avec le Collège des médecins de famille du Canada2,7,8. Les médecins de famille peuvent attirer l’attention sur la justice environnementale et la revendiquer pour des communautés comme la Première Nation des Asubpeeschoseewagong25-27. Dans le cadre de leurs stratégies de responsabilité sociale, les médecins de famille et le Collège peuvent aussi diriger des initiatives et travailler à la responsabilisation environnementale, de concert avec la Coalition canadienne pour un système de santé écologique, l’Association canadienne des médecins pour l’environnement et CASCADES, comme ils l’ont fait antérieurement en appuyant l’abandon de l’électricité produite au charbon et la campagne pour abolir la publicité sur les combustibles fossiles39,40.

Conclusion

Le secteur de la santé, y compris les médecins de famille, doit reconnaître la contribution des soins de santé à la dégradation environnementale et ses conséquences bien connues sur la santé. L’inaction forcera les médecins de famille à adapter encore plus leurs pratiques aux répercussions des événements de chaleur extrême, aux événements météorologiques intenses, à la qualité dangereuse de l’air et à l’effondrement de systèmes de santé déjà fragiles, sans compter leurs piètres résultats pour les patients et les communautés. La nécessité d’atteindre la justice environnementale, de comprendre le changement climatique comme catalyseur de l’iniquité et les répercussions généralisées sur des populations et des communautés entières renforce la responsabilité environnementale en tant qu’élément important des stratégies de responsabilité sociale. Les médecins de famille, agissant aux niveaux micro, méso et macro selon une approche ascendante ou descendante, peuvent faire activement partie de la solution et choisir une voie vers la responsabilité environnementale menant à une planète en meilleure santé pour tous.

Footnotes

* L’Appendice A est accessible en anglais à https://www.cfp.ca. Allez au texte intégral de l’article en ligne et cliquez sur l’onglet CFPlus.

Intérêts concurrents

Aucun déclaré

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This article is also in English on page 228.

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