Faut-il depister une infection des voies urinaires si un enfant a des symptomes respiratoires?

Abstract

Question Un garçon de 8 mois est amené à notre clinique parce qu’il fait de la fièvre depuis 3 jours. Depuis l’apparition de la fièvre, il présente de la toux et une rhinorrhée, et son petit frère de 4 ans a aussi eu récemment de la toux et des symptômes du rhume. J’ai entendu dire que la présence de symptômes respiratoires signifiait une moins grande probabilité d’infection des voies urinaires (IVU). Chez quels nourrissons fébriles qui ont des symptômes respiratoires devrait-on faire un prélèvement pour procéder à une analyse d’urine en vue de dépister une IVU?

Réponse La façon de poser un diagnostic chez des nourrissons fébriles présentant des symptômes respiratoires varie selon l’âge. Une analyse d’urine devrait être effectuée chez tous les nourrissons fébriles de moins de 2 mois, qu’ils aient ou non des symptômes respiratoires. Les cliniciens devraient évaluer les facteurs de risque d’une IVU chez tous les nourrissons âgés de 2 à 24 mois et ne devraient pas exclure un diagnostic d’IVU en se fondant seulement sur la présence de symptômes respiratoires. Le recours à un outil prédictif pour estimer la probabilité d’une IVU avant le test pourrait aider à la décision chez les patients de cette population.

Les infections des voies urinaires (IVU) représentent l’une des infections bactériennes les plus courantes chez les enfants et sont à l’origine de 7 % des visites au département d’urgence1. Un retard de plus de 48 heures dans l’antibiothérapie augmente le risque de glomérulosclérose, ce qui rend essentiel de poser rapidement le diagnostic2. La plupart des IVU sont des infections ascendantes causées par des bactéries uropathogènes qui colonisent les organes génitaux externes3, d’où une plus grande vulnérabilité aux IVU chez les filles et chez les garçons non circoncis4. Contrairement aux enfants plus âgés souffrant d’une IVU qui présentent des symptômes précis, comme une dysurie ou des douleurs au dos, les nourrissons ont souvent une manifestation non spécifique de l’IVU5. Un cathétérisme urétral est fréquemment nécessaire pour obtenir un spécimen d’urine chez les nourrissons de moins de 2 mois4, ce qui complique encore davantage le diagnostic d’une IVU dans une clinique de pratique familiale.

Les infections respiratoires virales sont la cause la plus fréquente de la fièvre chez les nourrissons et elles se produisent en moyenne 6 ou 7 fois par année durant les premières années de leur vie6. Les lignes directrices de pratique clinique sur les IVU pédiatriques de la Société canadienne de pédiatrie et du National Institute for Health and Care Excellence déconseillent les analyses d’urine systématiques chez les enfants fébriles présentant des symptômes respiratoires qui sont âgés de plus de 2 mois, dans le cas des premières, et de 3 mois, dans celui des deuxièmes, en expliquant que la plupart de ces fièvres sont causées par des infections virales plutôt que des IVU7,8. Toutefois, certaines études antérieures avaient démontré que la présence de symptômes respiratoires n’exclut pas entièrement la possibilité d’une IVU.

Nourrissons de moins de 2 ans

Les nourrissons fébriles de moins de 2 mois sont à risque élevé d’infections bactériennes graves en raison de l’immaturité de leur système immunitaire9. Même si l’incidence des IVU est moins élevée chez les personnes souffrant d’une infection respiratoire que chez celles qui n’en sont pas atteintes, des études antérieures ont démontré que l’incidence des IVU dans cette population n’est pas négligeable. Dans une étude prospective multicentrique de cohortes réalisée auprès de 844 nourrissons fébriles ayant reçu des tests positifs de présence de l’influenza, une IVU a été diagnostiquée chez 3 des 123 (2,4 %) nourrissons positifs à l’influenza et 77 des 712 (10,8 %) ayant reçu des résultats négatifs10. Une étude observationnelle prospective réalisée par le Réseau de recherche appliquée en soins d’urgence pédiatriques aux États-Unis a fait valoir que l’incidence des IVU chez les nourrissons fébriles de moins de 60 jours était plus faible chez ceux ayant reçu des résultats positifs au virus que chez ceux dont les résultats étaient négatifs (33 sur 1200 [2,8 %] c. 186 sur 1745 [10,7 %]), quoique l’incidence des IVU fût non négligeable dans le groupe ayant reçu des tests positifs à la présence du virus11. Dans une étude prospective de cohortes auprès de 931 nourrissons de moins de 60 jours, réalisée au milieu de la pandémie de COVID-19 à Montréal (Québec), l’incidence des IVU était de 16,3 %, 6,7 %, et 3,1 % respectivement chez les nourrissons dont les résultats étaient 1) négatifs pour la présence de virus, 2) positifs pour la présence d’un virus autre que le SARS-CoV-2 et 3) positifs pour la présence d’une infection au SARS-CoV-212. Dans des lignes directrices de 2021, l’American Academy of Pediatrics recommandait une analyse d’urine chez tous les nourrissons fébriles de moins de 2 mois, sans égard à la coexistence ou non de symptômes aux voies respiratoires supérieures9. (Les lignes directrices de la Société canadienne de pédiatrie ne portent pas sur les nourrissons de moins de 2 mois, mais soulignent que les maladies fébriles chez ces enfants exigent d’envisager un sepsis bactérien, ainsi que diverses approches d’investigation et de prise en charge7. Les lignes directrices du National Institute for Health and Care Excellence recommandent de demander une consultation auprès d’un spécialiste en pédiatrie pour les nourrissons de moins de 3 mois chez qui une IVU est soupçonnée et de procéder à une analyse d’urine8.)

Nourrissons de 2 à 24 mois

Des taux beaucoup moins élevés d’infections bactériennes et d’IVU sont observés chez les nourrissons de 2 à 24 mois qui présentent des symptômes respiratoires. Dans une étude rétrospective réalisée aux États-Unis auprès de 359 nourrissons fébriles admis pour une infection par le virus respiratoire syncytial, seulement 4 (1,1 %) ont reçu un diagnostic d’IVU13. De même, sur 1626 nourrissons âgés de 2 à12 mois qui avaient reçu des résultats positifs pour la présence du virus de l’influenza ou du virus respiratoire syncytial, seulement 8 (0,49 %) répondaient aux critères diagnostiques d’une IVU de l’American Academy of Pediatrics14. Ces 8 nourrissons avaient d’autres facteurs de risque, comme une fièvre prolongée, une température élevée ou le fait de ne pas être circoncis14.

Néanmoins, une étude prospective de cohortes réalisée en Espagne auprès de 439 nourrissons (garçons, <12 mois; fille, <24 mois) présentant des symptômes aux voies respiratoires supérieures a révélé que 19 (4,3 %) avaient reçu un diagnostic d’IVU15. Dans une étude effectuée dans un seul centre aux États-Unis auprès de 90 nourrissons fébriles (2 à12 mois) qui avaient reçu cliniquement un diagnostic de bronchiolite, on a posé un diagnostic d’IVU chez 4 (4,4 %) d’entre eux16. Cette étude a par la suite été élargie en une étude prospective de cohortes multicentrique portant sur 442 patients chez qui on avait posé cliniquement un diagnostic de bronchiolite, et il a été constaté que 33 (7,5 %) avaient une IVU concomitante17. Dans cette étude multicentrique, aucun des 55 nourrissons circoncis n’avait reçu un diagnostic d’IVU, tandis que 11 (7,6 %) des 144 nourrissons non circoncis avaient reçu un diagnostic d’IVU17, ce qui fait de la non-circoncision un facteur de risque statistiquement significatif d’une IVU dans cette population (p=,03).

Dans les résultats de ces études, l’hétérogénéité peut être attribuable aux différences dans la façon de définir les infections respiratoires, certaines études incluant les patients ayant des résultats positifs à la présence de virus, tandis que d’autres incluaient les patients dont les infections respiratoires avaient été diagnostiquées cliniquement. Étant donné que des études conçues de manière plus solide ont démontré l’incidence élevée non négligeable des IVU chez les nourrissons qui ont de la fièvre et des infections respiratoires, les médecins ne devraient pas exclure une IVU chez des nourrissons fébriles en se fondant seulement sur la présence de symptômes respiratoires, surtout chez ceux qui ont d’autres facteurs de risque d’une IVU.

Pour aider les médecins en clinique de pratique familiale ou au département d’urgence, un outil prédictif pour estimer la probabilité d’une IVU est accessible et il indique les facteurs de risque comme un âge inférieur à 12 mois, une température maximale de 39°C ou plus, des antécédents d’IVU, le fait d’être de sexe féminin ou de sexe masculin et non circoncis, une autre source de fièvre et la durée de la fièvre supérieure à 48 heures ou plus18,19. L’outil suggère un prélèvement d’urine si la probabilité avant le test excède 2 %, sans égard à la présence ou à l’absence de symptômes aux voies respiratoires supérieures18,19.

Conclusion

L’infection des voies urinaires est une infection bactérienne courante chez les nourrissons; elle doit être traitée, mais présente des défis diagnostiques aux cliniciens lorsque les inquiétudes ou les constatations physiques concernent des symptômes respiratoires. Une analyse d’urine devrait faire partie de l’investigation chez tous les nourrissons fébriles de moins de 2 mois, qu’ils souffrent ou non d’une infection respiratoire. Les cliniciens devraient évaluer les facteurs de risque d’une IVU chez tous les nourrissons âgés de 2 à 24 mois, sans égard à la présence ou à l’absence de symptômes respiratoires.

Notes

Mise à jour sur la santé des enfants est produite par le programme de recherche en thérapeutique d’urgence pédiatrique (PRETx à http://www.pretx.org) du BC Children’s Hospital à Vancouver, en Colombie-Britannique. Dr Kazuki Iio est membre et le Dr Goldman est directeur du programme PRETx. Le programme PRETx a pour mission de favoriser la santé des enfants en effectuant de la recherche fondée sur les données probantes en thérapeutique dans le domaine de la médecine d’urgence pédiatrique.

Avez-vous des questions sur les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les enfants? Nous vous invitons à les poser au programme PRETx par télécopieur, au 604 875-2414; nous y répondrons dans de futures Mises à jour sur la santé des enfants. Les Mises à jour sur la santé des enfants publiées sont accessibles dans le site web du Médecin de famille canadien (https://www.cfp.ca).

Footnotes

Intérêts concurrents

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