L’éditorialiste invité, le Dr Otto Maarsingh, des Pays-Bas, posait récemment, dans les Annals of Family Medicine, la brillante question inspirée par Pink Floyd : « Le mur des données probantes en faveur de la continuité des soins : de combien d’autres briques avons-nous besoin1? » Il a poursuivi en présentant des données probantes fermement convaincantes à l’appui des nombreuses façons dont la continuité des soins avec un professionnel des soins primaires, comme un médecin de famille, était bénéfique pour les patients, les médecins et le système de santé. Cela comprenait, entre autres : de plus faibles taux de mortalité; une réduction du nombre de visites au département d’urgence (DU) et d’hospitalisations; une réduction des coûts des soins de santé; une meilleure adhésion aux soins préventifs et à la médication; et une amélioration des relations médecin-patient donnant lieu à une plus grande satisfaction chez l’un comme chez l’autre1.
La brique supplémentaire dans le mur qui étaye les bienfaits de la continuité des soins à laquelle faisait référence le Dr Maarsingh se trouve dans une excellente étude réalisée en Alberta et publiée dans ce même numéro par le Dr Terrence McDonald et ses collègues2. S’appuyant sur des données administratives corrélées sur la santé de 2015 à 2018, ils démontraient ceci : « Les meilleurs résultats en soins de santé (mesurés en fonction des visites au DU et des hospitalisations) sont associés à la consultation de son principal médecin de famille sur une base continue ou d’un partenaire de la clinique si ce médecin n’est pas disponible2. » Les auteurs reconnaissaient que l’effet de ce qu’ils ont appelé la continuité partielle est intéressant et complexe, et qu’il justifie davantage de recherche.
Pourtant, en dépit des nombreux bienfaits de la continuité des soins, des recherches au Royaume-Uni et aux États-Unis révèlent que depuis la dernière décennie, la continuité des soins primaires connaît un déclin3,4. Compte tenu de l’actuelle crise en médecine familiale et en soins primaires au Canada, où environ 1 Canadien sur 5 n’a pas accès à un professionnel des soins primaires, la situation est certainement semblable.
L’expansion rapide des soins virtuels rendus nécessaires durant la pandémie de la COVID-19 a le potentiel d’améliorer la continuité (p. ex. en facilitant l’accès et le rattachement aux professionnels des soins primaires, surtout en milieu rural ou mal desservi) ou encore de lui nuire. Les soins virtuels dans des cliniques sans rendez-vous, par exemple, pourraient aggraver les problèmes des personnes en quête de soins ponctuels et transactionnels, réduisant les soins longitudinaux et continus.
Les préoccupations entourant les impacts des soins virtuels et la nécessité de définir et de mesurer le rattachement patient-professionnel ont incité les Drs Monica Aggarwal et Richard Glazier à réaliser une excellente revue exploratoire, publiée dans ce numéro du Médecin de famille canadien (page 635)5.
Les cliniques sans rendez-vous sont depuis longtemps considérées comme des entraves à la continuité des soins primaires et, comme il est mentionné plus haut, de telles inquiétudes pourraient être amplifiées à l’ère des soins virtuels. Ce numéro du Médecin de famille canadien présente une étude transversale effectuée par le Dr Lauren Lapointe-Shaw et ses collègues (page e157)6, fondée sur un sondage annuel auprès de médecins et reliant des données administratives provinciales sur la santé en Ontario, qui compare les caractéristiques, les habitudes de pratique et les patients des médecins qui travaillent principalement en clinique sans rendez-vous et ceux des médecins de famille qui dispensent des soins longitudinaux.
Les résultats sont riches, fascinants et difficiles à résumer ici en quelques mots. Parmi les plus importantes constatations figure le fait que les médecins qui travaillaient surtout en clinique sans rendez-vous voyaient de nombreux patients historiquement mal desservis, qui n’étaient pas rattachés à un autre médecin de famille6. Je vous invite à lire l’étude et à tirer vos propres conclusions à propos des risques et des bienfaits des cliniques sans rendez-vous.
Je termine cet éditorial là où je l’ai commencé, en citant le Dr Maarsingh : « [L]e mur sans cesse grandissant des données probantes en faveur de la continuité ne peut pas être ignoré, menant à la question : combien de briques supplémentaires faut-il avant que nous, les patients, les médecins, les régimes d’assurance maladie et les décideurs, nous engagions pleinement à promouvoir la continuité des soins primaires1? »
FootnotesLes opinions exprimées dans les éditoriaux sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles soient sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
This article is also in English on page 606.
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