Impact de la nouvelle réglementation du CACI sur les comportements de souscription des licences : étude au sein d’une fédération multisport

Chaque année en France, près de 18 millions de licences sont souscrites auprès des fédérations sportives1 [1]. Cette démarche, essentielle pour tout pratiquant souhaitant rejoindre un club affilié, est incontournable pour ceux désireux de participer à des compétitions fédérales. À cet égard, pendant de nombreuses années, la traditionnelle visite chez le médecin traitant au mois de septembre pour obtenir le « certificat médical » fut un passage obligé.

Instauré sous le régime de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale, le certificat médical est devenu au fil du temps une institution du modèle sportif français [2], renforcé par de nombreux textes réglementaires et législatifs jusqu’aux années 2000. Initialement nommé « certificat médical d’aptitude » en 1945 [3], son rôle est confirmé dans la loi Mazeaud de 1975 qui le rend obligatoire pour la pratique de tout sport en compétition [4], une nécessité renouvelée par la loi Avice en 1984 [5]. La loi Buffet de 1999, relative à la protection de la santé des sportifs, a ensuite affirmé son caractère annuel et obligatoire pour tous les sportifs, licenciés ou non, et pour l’inscription initiale à une fédération, y compris hors compétition [6]. Cette dernière loi le renomme également en « certificat médical d’absence de contre-indications » ou « CACI », appellation encore en vigueur aujourd’hui. Ainsi, pendant sept décennies, le législateur n’a eu de cesse de renforcer son rôle clé dans la préservation de la santé des sportifs [7].

À partir de 2016, en lien avec la loi de modernisation du système de santé promulguée la même année [8], [9], une inversion de cette tendance se manifeste par une série de mesures visant à assouplir les cadres réglementaires antérieurs [10]. Parmi ces mesures, l’instauration d’une périodicité triennale pour la délivrance du CACI [11] a remplacé la visite médicale annuelle par un auto-questionnaire de santé à remplir deux années sur trois lors du renouvellement de la licence [12]. Par ailleurs, le CACI est supprimé pour toutes les pratiques compétitives scolaires [8]. Il convient toutefois de noter que les disciplines sportives présentant des contraintes particulières, telles que le rugby, le tir sportif ou encore les boxes de plein contact, font exception à toutes ces règles2 [11], [13].

Plus récemment, deux nouveaux textes ont poursuivi cette dynamique. Concernant les majeurs, la loi du 2 mars 2022, visant à démocratiser le sport en France, confère à chaque fédération la liberté de déterminer le niveau de surveillance médicale qu’elle juge approprié [14]. À travers un « organe collégial spécialisé en médecine », formulant des recommandations au comité directeur, chaque fédération a désormais la possibilité de fixer ses propres critères médicaux pour l’attribution des licences. Quant aux mineurs, le décret du 7 mai 2021 a abrogé l’obligation du CACI pour toutes les pratiques compétitives et dans toutes fédérations, à l’exception des disciplines à contraintes particulières, le remplaçant par le questionnaire de santé [15]. Pour ces derniers, la gestion du risque reste modérée par l’obligation de visites médicales générales de suivi régulières, en dehors du contexte sportif, durant lesquelles des contre-indications à la pratique sportive peuvent être recherchées. Ainsi, via ces deux derniers décrets, un règlement médical fédéral peut choisir de supprimer l’obligation du CACI pour tous les publics, pour les disciplines sans contraintes spécifiques, y compris pour la pratique en compétition.

En somme, en l’espace de six ans, la réglementation concernant le CACI a connu une évolution significative. D’un encadrement strict dicté par le code du sport, le cadre est devenu beaucoup plus libéral, offrant davantage de flexibilité et de latitude aux fédérations. Ces changements répondent à une double ambition politique affichée : faciliter le processus de souscription de licence, tout en transférant les responsabilités vers les acteurs sportifs.

Les réformes initiées en 2016 et 2017 avaient pour objectifs de simplifier les démarches administratives en espaçant le délai requis entre deux consultations pour CACI et en responsabilisant les sportifs par le biais du questionnaire de santé [16]. Cette tendance a été renforcée par les textes de 2021 et 2022 comme l’illustrent les débats parlementaires préalables à la loi de 2022. En effet, députés et sénateurs essaient alors de « répondre à des propositions du mouvement sportif pour lever les freins que sont parfois les demandes de certificat » [17]. Ils envisagent donc une « simplification pour les personnes majeures du certificat de non-contre-indication à la pratique sportive » [18]. Enfin, ils préconisent de déléguer la responsabilité réglementaire aux fédérations [19], partant du principe qu’elles « sont les mieux à même de définir les conditions d’aptitudes médicales indispensables à la pratique de leur discipline » [20].

La motivation politique de ces réformes soulève une interrogation centrale : est-il possible d’observer une augmentation du nombre de licenciés partant du principe que ces mesures allègent les contraintes d’entrée ? En effet, avec l’adoption de cette nouvelle réglementation, le législateur a émis l’hypothèse que la combinaison de la simplification des démarches administratives et du transfert de responsabilité aux acteurs sportifs pourrait conduire à une hausse globale du nombre de licenciés. Néanmoins, étant donné la diversité des variables affectant les souscriptions de licences (performances des équipes de France dans les grands évènements internationaux, répercussions des crises sanitaires et économiques, effets de mode, coûts des licences, aides d’État…), déduire un impact direct de la « réforme CACI » sur les variations annuelles des licenciés serait délicat et hasardeux.

Bien que les variations du nombre de licenciés soient influencées par des facteurs multiples, il demeure essentiel d’explorer les effets spécifiques de ces récentes réformes. Aussi, cette étude propose d’examiner les implications du transfert de responsabilités vers les fédérations et les sportifs, en particulier en ce qui concerne le nombre de CACI délivrés. Par ailleurs, elle s’intéresse à l’impact de la levée de certaines contraintes sur la temporalité de souscription des licences. De ces réflexions découlent deux hypothèses principales.

La première avance que le transfert de responsabilité médicale vers les fédérations et les sportifs pourrait conduire à une baisse du nombre de CACI délivrés chaque année. En 2004, période où la réglementation était particulièrement stricte, un médecin généraliste effectuait en moyenne 120 consultations annuelles en rapport avec le CACI [21]. Si cette hypothèse s’avère exacte, ce chiffre devrait connaître une diminution conséquente.

La seconde hypothèse suggère que les procédures simplifiées favoriseraient une souscription plus précoce des licences. Le fait que la consultation médicale ne soit plus systématiquement requise pourrait permettre aux athlètes à s’inscrire plus tôt dans la saison. Ainsi, l’observation d’adhésions plus rapides des licenciés qui ne sont pas obligés de fournir un CACI par rapport aux saisons précédentes, mais également en comparaison avec ceux devant fournir un CACI durant la saison actuelle, confirmerait cette hypothèse.

L’objet de cet article est donc de mesurer certains des effets des réformes du CACI de 2021 et 2022 afin de les confronter à leurs finalités initiales. L’approche repose sur une analyse des données issues d’une fédération de taille conséquente (premier tiers des fédérations en termes de nombre de licenciés) en comparant les saisons qui précèdent avec celle suivant directement les réformes. Le nombre de CACI fournis par les licenciés, ainsi que la dynamique temporelle de souscription des licences, sont les indicateurs considérés.

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