Instruments au laser pour rajeunissement vaginal : efficacite, reglementation et commercialisation [Commentaire]

Points clés

Le syndrome génito-urinaire de la ménopause (SGM) est un problème fréquent qui peut être traité au moyen de lubrifiants vaginaux en vente libre ou de traitements œstrogéniques vaginaux.

Des dispositifs vaginaux à impulsions (comme le laser CO2) sont brevetés au Canada pour le traitement des symptômes du SGM; toutefois, ils sont souvent commercialisés pour le « rajeunissement vaginal », prétendument capable de donner lieu à un raffermissement de la paroi vaginale et à une amélioration de la fonction sexuelle, en plus de traiter l’incontinence urinaire.

Contrairement aux médicaments, plusieurs nouveaux instruments médicaux ne doivent pas obligatoirement faire l’objet d’études avec témoins sous placebo pour être homologués, et même si, selon plusieurs séries de cas, ces dispositifs vaginaux à impulsions pourraient être efficaces pour le SGM ou l’incontinence, de récentes études randomisées et contrôlées ne sont pas arrivées à de telles conclusions.

Commercialiser ces dispositifs pour le rajeunissement vaginal et le traitement de l’incontinence urinaire ne sert pas les intérêts des personnes touchées.

Au milieu des années 2010, des dispositifs vaginaux à impulsions (laser CO2 fractionné, laser erbium et laser à grenat d’yttrium-aluminium [laser Er:YAG], laser à diode ou ablation par radiofréquence) ont fait leur apparition pour le traitement potentiel du syndrome génito-urinaire de la ménopause (SGM). Un diagnostic clinique de SGM requiert la présence de symptômes (irritation vaginale, baisse de la lubrification, sensation de brûlure, dyspareunie ou écoulement) et de signes (atrophie labiale ou clitoridienne, sécheresse ou sténose vaginale ou fragilité des tissus) vaginaux1. Le syndrome est associé à certaines complications (comme les infections urinaires, les saignements vaginaux et des symptômes des voies urinaires basses); il peut nuire à la santé sexuelle et affecter négativement la qualité de vie. De 40 %–80 % des personnes postménopausées souffrent de SGM et seulement la moitié environ abordent ces symptômes avec leur médecin2. Environ le tiers des personnes postménopausées atteintes de SGM utilisent des lubrifiants vaginaux en vente libre1 et environ le dixième utilisent des médicaments vaginaux d’ordonnance (le plus souvent à base d’œstrogènes)2. Où les traitements de rajeunissement au laser qui se multiplient cadrent-ils dans l’éventail des traitements offerts pour le SGM?

Dans la ligne directrice de la Société nord-américaine de ménopause, on recommande fortement les produits en vente libre comme traitement de première intention du SGM, et les œstrogènes vaginaux comme traitement de seconde intention dans les cas de modérés à graves1. Lors d’essais randomisés et contrôlés sur le SGM, les traitements par œstrogènes vaginaux (sous forme d’anneaux, de comprimés ou de crèmes) ont été 4–12 fois plus susceptibles d’améliorer les symptômes que le placebo et aucune différence d’efficacité n’a été observée entre les diverses préparations à base d’œstrogènes3.

Les lasers vaginaux exposent l’épithélium vaginal à de la chaleur et provoquent une nécrose thermique suivie de remodelage et de synthèse du collagène, de néovascularisation et de formation d’élastine. Cela peut améliorer l’élasticité vaginale et rétablir la fonction épithéliale préménopausique4. Le premier dispositif vaginal à impulsions a reçu l’homologation de Santé Canada en 2015 comme instrument médical pour le traitement du SGM; on en déduit qu’il devait répondre à des critères de base sur les plans de l’innocuité, de l’efficacité et de la qualité. Contrairement aux médicaments, de nombreux nouveaux instruments médicaux n’ont pas besoin d’avoir fait l’objet d’études avec témoins sous placebo pour être approuvés par les instances de réglementation. Une fois l’homologation accordée, la publicité directe dans les médias a pu mentionner « l’approbation » des instances de réglementation5 et l’indication à proprement parler des dispositifs a été reformulée par certains fournisseurs, passant du SGM au « rajeunissement vaginal ». Les interventions de rajeunissement vaginal au moyen de dispositifs à impulsions sont prétendument capables de raffermir la paroi vaginale et de traiter l’incontinence urinaire de stress, ce qui est différent du traitement du SGM1,5.

Peu d’études de grande qualité appuient l’utilisation des dispositifs vaginaux à impulsions pour le SGM, l’indication la plus courante, ou pour l’incontinence. En ce qui concerne le SGM, une revue systématique publiée en 2021 a recensé 26 études regroupant 2678 cas de SGM qui ont été traités au moyen de lasers vaginaux ou de dispositifs à impulsions6. La plupart des études (23 sur 26) étaient des séries de cas prospectives ou rétrospectives et faisaient état de résultats positifs, le plus souvent une amélioration du score de fonctionnement sexuel féminin, avec le laser CO2 vaginal; toutefois, les données probantes étaient de faible qualité et comportaient un risque élevé de biais. Trois essais randomisés et contrôlés auprès de 179 sujets n’ont fait état d’aucune différence significative entre les traitements, au laser et hormonaux6. Par contre, un essai de grande qualité avec témoins sous intervention simulée réunissant 85 sujets a révélé que le traitement au laser CO2 n’améliorait significativement ni les symptômes de SGM, ni la qualité de vie, ni la fonction sexuelle après 12 mois, comparativement au traitement simulé. Et les 2 groupes n’ont présenté aucune différence significative pour ce qui est des améliorations histologiques à la biopsie vaginale7. La revue systématique et l’essai randomisé n’ont relevé aucun risque d’effets indésirables graves associés au traitement au laser, comparativement au traitement simulé ou aux soins standard6,7. Toutefois, la Food and Drug Administration des États-Unis a fait état du fait que « les traitements de rajeunissement vaginal par dispositif à impulsions peuvent donner lieu à des brûlures vaginales, à la formation de tissu cicatriciel, à des rapports sexuels douloureux et à des douleurs récurrentes/chroniques »5.

Une revue systématique sur le traitement de l’incontinence urinaire au moyen des dispositifs vaginaux à impulsions (le plus souvent à laser Er:YAG) a surtout relevé des séries de cas comportant un risque élevé ou très élevé de biais8. Les études recensées ont fait état d’une faible réduction de l’incontinence de stress; toutefois, les paramètres mesurés étaient généralement subjectifs et les périodes de suivi étaient brèves. Un essai clinique randomisé, multicentrique avec témoins sous intervention simulée (n = 101) sur un dispositif au laser CO2 pour le traitement de l’incontinence de stress n’a fait état d’aucune amélioration subjective ou objective de ce symptôme ni d’aucune différence sur le plan des effets indésirables9. En revanche, plusieurs essais randomisés et contrôlés sur un traitement axé sur le plancher pelvien ou la chirurgie ont fait état de bienfaits chez des femmes souffrant d’incontinence de stress10.

Les traitements vaginaux au laser sont offerts partout au Canada et les 10 villes les plus peuplées comptent toutes au moins une clinique qui offre des interventions de rajeunissement vaginal par dispositif à impulsions. Il est impossible de retracer le nombre de sujets qui paient pour de telles interventions ni le nombre exact de dispositifs vaginaux utilisés au Canada. On trouve facilement en ligne de la publicité grand public pour ces traitements et les fournisseurs énumèrent les bienfaits du rajeunissement vaginal sur leur site Web. Les sujets peuvent euxmêmes demander cette intervention et les coûts affichés par les fournisseurs se chiffrent en milliers de dollars pour les séances de traitement ponctuel et d’entretien.

Les interventions de rajeunissement vaginal sont utilisées pour le traitement de l’incontinence urinaire et du SGM, mais aussi pour des indications moins claires (telles que le raffermissement vaginal pour l’amélioration du plaisir sexuel) qui ne reposent pas sur des données probantes. Ainsi, pour plusieurs dispositifs vaginaux à impulsions, on note une disparité entre l’emploi pour lequel ils ont été homologués par Santé Canada et leur commercialisation et utilisation sur le terrain. Des interventions au sujet desquelles il existe peu de données probantes de grande qualité et des fournisseurs en conflit d’intérêts financiers potentiel, voilà qui ne sert pas optimalement les intérêts de la population canadienne, même si le risque d’effets indésirables est jugé faible.

Santé Canada a constaté qu’il faut revoir la réglementation concernant les instruments médicaux. Exiger le signalement obligatoire des incidents graves associés à leur utilisation et obliger les fabricants à fournir des données sur leur innocuité et leur efficacité représentent d’importants progrès à ce chapitre11. Mais, le processus d’approbation lui-même continue de poser problème, comme le fait de n’exiger aucune étude contrôlée et révisée par des pairs12. L’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario s’est doté de politiques sur la publicité : cette dernière doit être véridique et s’appuyer sur des données probantes. Toutefois, on se demande si, et le cas échéant de quelle façon, la publicité fournie par les cliniques est activement surveillée par les instances de réglementation. Il faut resserrer les normes concernant les données cliniques, et les instances de réglementation devraient vérifier comment on présente les nouveaux instruments médicaux au public.

Les sujets qui se soumettent à des traitements à impulsions pour le rajeunissement vaginal sont peut-être à la recherche d’un traitement pour le SGM ou l’incontinence urinaire; leurs symptômes n’ont peut-être pas été adéquatement évalués et on ne leur a peut-être pas offert un traitement standard fondé sur des données probantes. Même si une intervention à l’aide d’un dispositif vaginal à impulsions peut représenter un risque relativement faible dans certains cas (p. ex., chez les sujets pour qui le traitement œstrogénique est inefficace ou contre-indiqué), il faut d’abord tenter les traitements de première intention fondés sur des données probantes dans la plupart des cas de SGM ou d’incontinence avant de se tourner vers des interventions très coûteuses qui reposent sur relativement peu de données de grande qualité. Les cliniques qui offrent un traitement au laser devraient réfléchir soigneusement à la façon dont la publicité présente l’intervention, et toute discussion entourant le consentement à recourir à un instrument vaginal à impulsions devrait faire mention des limites des données probantes, des traitements standards existants et de l’efficacité limitée de ces dispositifs comparativement aux traitements standards.

Footnotes

Intérêts concurrents: Blayne Welk déclare avoir reçu des honoraires de consultation de la société Becton, Dickinson and Company, indépendamment des présents travaux et il est vice-président de la Société internationale de neuro-urologie et du Groupe de recherche américain sur la vessie neurogène. Erin Kelly déclare avoir reçu une subvention de recherche de la société Pharmaceutique Searchlight Inc., indépendamment des travaux soumis.

Cet article a été révisé par des pairs.

Collaborateurs: Les 2 auteurs ont contribué à l’élaboration et à la conception des travaux. Blayne Welk a rédigé le manuscrit et Erin Kelly en a révisé le contenu intellectuel important de façon critique. Les deux auteurs ont donné leur approbation finale pour la version soumise pour publication et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.

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