Trouble neurologique fonctionnel associe a la vaccination contre le SRAS-CoV-2 [Pratique]

Points clés

Un nombre croissant de patients présentent des troubles neurologiques fonctionnels (TNF) après la vaccination contre le SRAS-CoV-2.

Aucune donnée probante ne laisse croire à un lien de cause à effet direct entre les composants des vaccins contre le SRAS-CoV-2 et les TNF; divers facteurs complexes et encore mal compris pourraient expliquer l’apparition de ce type de troubles après la vaccination.

Les patients qui viennent à présenter un TNF après la vaccination contre le SRAS-CoV-2 pourraient hésiter à recevoir d’autres doses, et ceux déjà atteints d’un TNF ou d’un trouble connexe, avoir des réserves à l’idée de se faire vacciner tout court.

Le traitement des TNF comprend la bonne communication du diagnostic, l’éducation des patients et la prise en charge multidisciplinaire.

Des mouvements involontaires aux jambes sont apparus chez une femme de 50 ans en santé, environ 4 jours après sa première dose de vaccin contre le SRAS-CoV-2. Les convulsions musculaires involontaires se sont ensuite étendus au reste du corps. Survenant de façon intermittente pendant la journée, ils ne duraient que quelques secondes, mais perturbaient la démarche de la patiente au point qu’elle devait se déplacer avec une canne. Se sont ajoutées à cela fatigue, céphalées ainsi que paresthésie et douleur intermittentes à différentes parties du corps.

Stressée par la pandémie et d’abord réticente à se faire vacciner contre le SRAS-CoV-2, la patiente avait tout de même décidé de recevoir sa première dose parce qu’elle travaillait en éducation. Elle n’avait pas d’antécédents de tabagisme, d’usage de drogues à des fins récréatives ni de consommation importante d’alcool. Aucun antécédent médical ou psychiatrique n’expliquait son état. Durant l’enfance, la patiente avait vécu un traumatisme psychologique constituant une expérience infantile négative. Elle n’avait pas d’antécédents familiaux de troubles neurologiques. Les mouvements involontaires étaient prononcés lors de l’examen physique (déformation du visage par des tics à l’activation du muscle frontal et mouvements brusques des bras à la dérive des pronateurs). Les styles de mouvements atypiques (avec variabilité, distraction et entraînement) évoquaient un trouble du mouvement fonctionnel.

La première évaluation aux services d’urgence a été suivie d’une consultation en neurologie générale pour établir les causes potentielles de l’apparition soudaine des mouvements atypiques. Toutes les analyses de laboratoire étaient normales. La phlébographie par tomodensitométrie (TMD) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) avec contraste du cerveau et de la colonne cervicale ont permis d’écarter les lésions structurelles, y compris la thrombose d’un sinus veineux. Normal, l’électroencéphalogramme (EEG) ne montrait aucun signe d’activité épileptiforme. La patiente a donc été dirigée vers notre clinique des troubles neurologiques pour une évaluation approfondie.

Compte tenu des observations cliniques et des résultats normaux aux examens et analyses, la patiente a reçu un diagnostic de trouble neurologique fonctionnel (TNF) postérieur à la vaccination contre le SRAS-CoV-2. Nous lui avons expliqué le diagnostic et proposé une physiothérapie adaptée. En quelques semaines, la patiente a vu ses symptômes se résorber peu à peu et elle a pu délaisser sa canne. Lors d’une consultation, elle a demandé si elle pouvait recevoir une deuxième dose sans danger, car elle craignait d’aggraver son état ou de présenter de nouveaux symptômes. Malgré nos encouragements, la patiente a choisi de ne pas recevoir d’autres doses de vaccin.

Discussion

Auparavant nommé « trouble de conversion », le TNF est une maladie neuropsychiatrique complexe, dont les symptômes neurologiques sont attribuables à une perturbation « fonctionnelle » des réseaux cérébraux plutôt qu’à une atteinte « structurelle » du système nerveux1. Le diagnostic n’est établi que si ces symptômes ne correspondent à aucun trouble neurologique ou médical connu, ne s’expliquent pas par une autre affection et causent une incapacité fonctionnelle importante2. Les symptômes du TNF ne sont pas consciemment provoqués et ne devraient pas être regroupés avec la simulation de maladie ou le trouble factice1. Des travaux récents ont ouvert la voie à un diagnostic fondé sur la présence de signes positifs (tableau 1), alors que jusqu’à récemment, il reposait avant tout sur l’exclusion à partir de résultats négatifs à des tests médicaux1. Ce changement n’est pas absolu. Bien souvent, surtout en présence d’un contexte ou de symptômes inhabituels, des examens et analyses sont indiqués pour écarter d’autres troubles neurologiques. Dans le cas présent, nous avons bénéficié de l’investigation médicale approfondie — aux résultats négatifs — réalisée avant le rendez-vous de la patiente à la clinique. Bien des généralistes ne disposent pas de telles données de prime abord. L’étendue de l’investigation requise est évaluée au cas par cas, et la question reste débattue.

Tableau 1:

Exemples de signes positifs appuyant le diagnostic d’un trouble neurologique fonctionnel

L’étiologie du TNF reste à préciser et met en cause plusieurs aspects biopsychosociaux qui se recoupent. Comptent parmi ceux-ci, des facteurs de prédisposition génétiques et psychosociaux (comme une expérience négative vécue durant l’enfance), auxquels s’ajoute parfois un événement déclencheur plus récent. Ces cas n’étaient autrefois attribués qu’à des éléments déclencheurs psychologiques; cela dit, des causes physiques, comme des blessures, des maladies, voire une vaccination, ont aussi été rapportées1. Selon les estimations, les troubles neurologiques fonctionnels représentent jusqu’à 1 demande de consultation sur 3 aux cliniques surspécialisées, notamment en neurologie3. Parmi les présentations les plus fréquentes, il faut compter les anomalies motrices (p. ex., tremblements, faiblesse) et les épisodes épileptiformes1. Le tableau 1 présente les signes cliniques positifs associés à divers tableaux du TNF, mais la variabilité et l’inconstance des symptômes sont courantes dans l’ensemble des sous-types1. Par exemple, il arrive que les symptômes deviennent plus prononcés en présence d’un médecin ou qu’ils fluctuent pendant l’évaluation quand l’attention du patient est détournée.

Outre la validation croissante des signes cliniques positifs, des tests complémentaires pourraient contribuer à confirmer le diagnostic en cas de doute. L’électromyographie (EMG) et l’EEG ont leur utilité dans le diagnostic d’une myoclonie fonctionnelle ou d’autres anomalies motrices, tandis que la vidéo-EEG (VEEG) de longue durée est la norme de référence pour les convulsions fonctionnelles1.

Le pronostic du TNF est variable et, malgré le potentiel de réversibilité, il est souvent plus sombre que ce à quoi s’attendent les médecins. Selon des études de suivi à long terme de TNF moteurs, plus du tiers des patients auraient des symptômes similaires ou aggravés, des années après le diagnostic1. Un court délai entre l’apparition des symptômes et le diagnostic (diagnostic précoce) ainsi que l’acceptation et la compréhension du diagnostic de TNF font partie des facteurs associés à de meilleures issues cliniques1.

On recense de plus en plus de cas de TNF post-vaccination contre le SRAS-CoV-24. Ce phénomène a été observé avec d’autres vaccins, notamment chez des adolescents coréens qui sont venus à présenter des maladies liées aux TNF après s’être fait vacciner contre la grippe H1N15. Dans un communiqué émis le 19 janvier 2021, la Functional Neurological Disorder Society rapportait que de nombreux vidéos des médias sociaux faisant allusion à de graves complications neurologiques après la réception d’un vaccin contre le SRAS-CoV-2 montraient des observations compatibles avec un TNF6. Ce qui est inquiétant, c’est que sans une bonne mise en contexte, ce genre de vidéos et d’histoires risquent d’accroître la réticence à l’égard de la vaccination. Les cas documentés de TNF post-vaccination comprennent des symptômes allant des mouvements anormaux aux réactions de type convulsif79.

Les cliniciens doivent avoir des discussions difficiles sur les TNF associés au SRAS-CoV-2 dans un contexte où on manque de données et de directives pour orienter les pratiques exemplaires. Il importe de bien faire comprendre aux patients que rien ne prouve un lien direct de cause à effet entre les divers composants du vaccin et les TNF. Ce serait plutôt les circonstances entourant la vaccination (hypervigilance associée à la menace, attention accrue portée aux effets indésirables potentiels du vaccin [effet nocebo], amplification inconsciente par le cerveau de symptômes généralement transitoires d’activation du système immunitaire) qui contribueraient aux TNF induits par l’administration d’un vaccin7. Bien que les neurologues participent souvent aux soins des patients touchés, les préoccupations actuelles relatives au vaccin font l’objet de nombreuses discussions en soins primaires. Les généralistes jouent un rôle clé pour soutenir les patients. Concrètement, ils fournissent des renseignements et des conseils sur les TNF liés au vaccin, annoncent le diagnostic et proposent des stratégies de prise en charge.

L’annonce du diagnostic est la première étape de la prise en charge. Il faut absolument communiquer clairement le diagnostic aux patients et valider leurs préoccupations. Il subsiste de fausses idées, chez les médecins, sur les TNF, et les patients sont souvent traités comme s’ils feignaient leurs symptômes10. Il est important de nommer explicitement le diagnostic plutôt que d’énumérer tous les troubles médicaux exclus. L’utilisation d’un langage familier pour décrire le trouble peut aider les patients à mieux comprendre leur maladie. Aux dires de notre patiente, l’adoption de cette approche dans nos échanges lui a confirmé que ses symptômes n’étaient pas le fruit de son imagination, même si les médecins vus précédemment lui avaient donné l’impression du contraire. Le fait de démontrer et d’expliquer les signes positifs aux patients pourrait également les aider à accepter et à comprendre comment les praticiens ont conclu à un diagnostic de TNF. Par exemple : « Avez-vous remarqué que les tremblements ont cessé quand une autre tâche prenait toute votre attention? » Autre étape importante du traitement, l’éducation des patients leur permet de mieux comprendre le diagnostic. Les sites www.neurosymptoms.org (offert en anglais) et www.fndhope.org sont 2 ressources utiles. Des études incluses dans une revue récente ont montré que, concernant les troubles convulsifs fonctionnels, l’annonce et l’acceptation du diagnostic peuvent mener à une diminution des crises épileptiques ainsi qu’à une réduction des visites aux services d’urgence et des hospitalisations1.

En général, les interventions visant les TNF reposent sur une approche multidisciplinaire, qui peut comprendre une physiothérapie adaptée, une psychothérapie (p. ex., thérapie cognitivocomportementale, thérapie psychodynamique ou les deux) et la prise en charge des symptômes comorbides (douleur, anxiété, dépression, etc.)1. La physiothérapie adaptée au TNF est souvent au cœur du traitement des patients présentant des anomalies motrices. Comme les symptômes s’améliorent avec la distraction (quand les patients ne portent pas attention à leur corps), l’idée est de réapprendre les mouvements moteurs normaux en redirigeant l’attention1. Une physiothérapie adaptée a permis à des patients atteints d’anomalies motrices comme de la faiblesse d’améliorer considérablement leur capacité à marcher et leur qualité de vie, ainsi que leurs fonctionnements physique et social1. Une récente revue systématique en psychothérapie a conclu que la thérapie cognitivo-comportementale et les thérapies psychodynamiques pourraient être bénéfiques, mais les résultats étaient mitigés, et des études de meilleure qualité sont requises11.

Conclusion

On reconnaît de plus en plus comme un diagnostic recevable le trouble neurologique fonctionnel associé à la vaccination contre le SRAS-CoV-2. Comme pour tout TNF, il est important de comprendre que les symptômes neurologiques découlent d’une perturbation « fonctionnelle » des réseaux cérébraux et non d’une atteinte « structurelle » du système nerveux. Les symptômes ne sont pas consciemment provoqués et ne devraient pas être attribués à une simulation de maladie ou à un trouble factice.

Footnotes

Intérêts concurrents: Aucun déclaré.

Cet article a été révisé par des pairs.

Les auteurs ont obtenu le consentement de la patiente.

Collaborateurs: Les 2 auteurs ont contribué à la conception du travail, ont rédigé le manuscrit et en ont révisé de façon critique le contenu intellectuel important; ils ont donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.

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Références

American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders. Fifth edition. Arlington (VA): American Psychiatric Association Publishing; .

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